Quelle meilleure façon de me présenter que de partager avec vous une partie du mémoire que j’ai écrit en dernière année de formation à l’École française de yoga (EFY) ?
Entre autres articles que nous publierons sur le Blog, je vous propose donc de retrouver, tel un feuilleton, mon introspection concernant ma façon de transmettre un patrimoine culturel.
1ère partie
En novembre 2014, l’Inde a fait entrer le yoga au sein du patrimoine culturel en nominant Shripad Yesso Naik ministre du yoga et des médecines et pratiques traditionnelles. En rattachant de cette façon le yoga à la culture et au patrimoine, l’Inde a posé la question de la transmission de cette discipline.
L’étymologie du mot « patrimoine », du latin patrimonium, signifie l’héritage du père, il fait référence à l’idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédées. Cet héritage, nous nous devons de le transmettre intact ou valorisé. La simple propriété personnelle1 est ainsi largement dépassée et relève du bien public et du bien commun.
En France, le succès du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, en 1832 permet de sensibiliser le plus grand nombre au patrimoine. Cette notion est institutionnalisée en 1837 par un décret2 qui reconnaît cet héritage commun comprenant les patrimoines immatériel et matériel.
Le patrimoine immatériel concerne les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels et les événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature, l’univers et les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. Yoga et danses orientales, dont la transmission fut d’abord orale, font partie de ce patrimoine culturel immatériel. Ces savoirs, tels les Yoga-Sutras, ont ensuite été transcrits afin de toujours en garder la trace.
« Transmettre est une tâche humaine fondamentale. L’être humain n’est pas limité à l’inné ou à l’acquis de conduites stéréotypées. Il s’invente constamment. Cette invention de soi prend sa source dans un patrimoine immatériel qu’il reçoit de ceux qui le précèdent »3.
À l’inverse, le patrimoine matériel est palpable. Il inclut des bâtiments (musées, cathédrales, hôtels particuliers…), des collections, des œuvres et des fonds (peintures, manuscrits, vitraux, sculptures…), mais aussi des quartiers de villes, des jardins, ou encore des cimetières.
Le patrimoine culturel matériel est un bien public, collectif, dont les textes datant de la Révolution française font état. L’Instruction de l’an II4 stipule : « vous n’êtes que des dépositaires d’un bien dont la grande famille a le droit de vous demander compte ».
Avec la création du ministère des Affaires culturelles5 en 1959, le patrimoine entre ainsi en politique grâce à Charles de Gaulle et André Malraux. Quelques années auparavant, en 1950, Régine Pernoud crée le premier service éducatif à destination des scolaires aux Archives nationales. Aujourd’hui, nombreux sont les établissements culturels qui développent une action pédagogique et culturelle.
Bien qu’ils remontent à des siècles ou des millénaires, ces patrimoines culturels immatériel et matériel n’appartiennent pas au passé et s’inscrivent dans une culture. Il s’agit d’une transmission nécessaire à la conservation des valeurs de la société permettant à chacun de construire son propre rapport au monde.
C’est par un heureux hasard que j’ai découvert le yoga et les danses orientales. Ces pratiques généreuses d’ouverture au monde et à soi conduisent à une transformation, à une maturation sur la nature essentielle de l’être humain et à un besoin de vivre en harmonie, en équilibre avec soi-même et son environnement. « Ne sentez-vous pas que la danse est l’acte le plus pur des métamorphoses ? » écrit Paul Valéry dans L’Âme et la Danse. Nous sommes reliés au monde par notre corps, nos émotions, nos sentiments. Le corps est un «instrument général de la compréhension du monde », disait Merleau-Ponty.
J’ai ainsi passivement hérité d’un patrimoine que j’ai choisi de comprendre, de découvrir et d’approfondir pour ensuite adopter de façon active d’autres patrimoines tels ceux du yoga et des danses orientales. Par cette ouverture au monde et à l’Autre, par la relation entretenue avec ces patrimoines « adoptés », mon identité s’en trouve donc elle-même enrichie.
Le sujet choisi traite de ma façon de transmettre un patrimoine culturel immatériel et matériel en m’appuyant sur des expériences et des faits personnels, autant de traces et donc de mémoires d’un passé collectif partagé avec un public varié. Cette démarche d’apprentissage permanent et de transmission est très présente dans le cursus que j’ai suivi à l’École Française de Yoga6 de Paris. Ce dernier s’inscrit ainsi de façon tout à fait naturelle et logique dans mon parcours et m’a permis de faire le lien7 entre tous ces domaines complémentaires que je pratiquais déjà.
Tapis de yoga, salles de danse, salles d’ateliers et musées sont autant de centres d’expérimentations et de lieux dans lesquels j’apprécie particulièrement évoluer et que je souhaite faire découvrir. Dire l’histoire, l’art, le corps.
Il m’a toujours été naturel de transmettre des connaissances et une approche de l’Histoire et de l’Histoire de l’art par le biais de mon métier d’abord, puis des danses orientales et du yoga. Je guide en effet des groupes de tous âges lors de visites commentées et de visites-ateliers créatifs.
Cet article apporte un élément de réponse à la façon dont la pratique du yoga m’a aidée à renouveler mon processus de transmission.
J’aborde d’abord la question de la transmission, des connaissances et pratiques que je transmets et dont je reçois l’enseignement.
Je présente ensuite la place du yoga dans l’acte de transmission, les attitudes communes existant entre mes différentes passions que j’enseigne à des publics variés.
- droit d’user « et d’abuser » selon le droit romain.
- 28 septembre 1837 : Institution de la commission supérieure des Monuments historiques qui est à l’origine de la première liste des monuments protégés établie en 1840.
- Transmettre, Revue Française de Yoga n°35, janvier 2005, quatrième de couverture.
- 1793.
- Aujourd’hui ministère de la Culture et de la Communication.
- EFY.
- L’étymologie du mot yoga, yuj, signifie relier, lier, mettre ensemble, par la pratique et l’étude des textes anciens.